Où allons-nous ? En France et au Sénégal
À quelle époque ? Contemporaine
Venez, je vous raconte de quoi il est question :
Djiraël a 19 ans. D’origine sénégalaise, voilà de nombreuses années qu’il ne vit plus dans son pays d’origine. Ayant grandi et étudié en France, du côté de Sarcelles, le jeune banlieusard a tendance à brûler la vie par les deux bouts. Entre fumette, drague et fréquentations très borderline, il sèche souvent les cours à la fac pour dealer et retrouver les conquêtes féminines qu’il collectionne.
« Tout en marchant, je songeais que cette ville m’avait marqué de son empreinte. Il me semblait ne rien connaître aussi bien que ses rues, ses trottoirs, ses murs, ses tags, ses graffitis, ses tours, ses quartiers, son marché aux puces et ses terrains de sport. Aucune de ses légendes, de ses petites histoires et aucun de ses faits divers n’avait de secret pour moi. Alors que la plupart des gens vivaient dans l’anonymat, Sarcelles avait fait de moi un des personnages principaux de son histoire. On se connaissait depuis si longtemps qu’il était impossible de distinguer le prisonnier du geôlier. » (P.52-P.53)
Le lendemain, toute la famille doit embarquer pour le Sénégal et y retrouver le chef de famille. Djiraël cherche encore un moyen d’esquiver le retour aux sources et de rater son avion.
« Depuis trois mois, ma mère me répétait que lorsque nous serions au Sénégal, il faudrait que je me réconcilie avec Papa. Elle prétendait que je pourrais enfin réparer toutes mes erreurs. » (P.37)
Finalement, le jeune « Francenabé » débarque à Dakar, accompagné de sa mère et de ses quatre frères et sœurs. De Sarcelles à Sindian Kansala, en passant par Dakar et Colobane, Djiraël aura la possibilité de se réconcilier avec son père et ses origines casamançaises. Mais que décidera-t-il ?
À mon humble avis :
J’ai découvert la plume talentueuse d’Insa Sané en lisant l’an dernier « Tu seras partout chez toi », l’un des romans qui m’a le plus marqué.
« Sarcelles Dakar » constitue le premier tome de la « Comédie Urbaine » d’Insa Sané, suivi de trois autres ouvrages : « Du plomb dans le crâne », « Gueule de bois », et « Daddy est mort ».
Ce que j’ai aimé dans cet ouvrage, qui se lit avec beaucoup d’aisance et de fluidité, c’est le mixage des styles, des tons, des univers et des croyances. L’écriture peut être à la fois rustre et poétique. L’auteur alterne les styles et les tempos avec une grande dextérité. Du coup, le roman ne nous laisse pas le temps de souffler et j’aime cela !
Ce qui fait la différence :
À travers son texte, on ressent les différentes casquettes de l’auteur. On y retrouve la rage du rappeur, la plume délicate de l’auteur accompli, la dérision ironique du comédien, le rythme du slammeur/ conteur… Insa Sané nous amène à la croisée des chemins entre l’Afrique et l’Occident, entre deux mondes, deux cultures, sans pour autant en exclure ou en renier une des deux.
Le voyage de Djiraël s’avère être un voyage initiatique qui nous donne l’opportunité de découvrir la richesse des croyances africaines, et plus précisément celles de la Casamance. C’est aussi une ode à l’espérance et au décloisonnement des pensées rationnelles, une invitation à laisser parler son cœur plus que sa tête, à se tourner vers l’essentiel : soi, l’autre et l’amour qui toujours triomphe.
« Djiraël, l’âme de ton père a peut-être laissé un message pour toi. Djiraël, puisque tu as grandi en France, tu es libre de ne pas croire à nos croyances ou de t’en moquer. Mais si tu es sincèrement décidé à réparer le passé, l’harmattan est ta dernière chance. » (P.142)
Belle lecture à vous et bravo à l’auteur !
Beatrice Bernier-Barbé
Sarcelles Dakar - Insa Sané - 03/2015 - 224 pages
Retrouvez Béatrice Bernier-Barbé sur son blog : www.bernierbarbebeatrice.com
"Sarcelles-Dakar" est le premier volet de quatre romans. Viennent ensuite à découvrir: "Du plomb dans le crâne", "Gueule de bois" et "Daddy est mort". C'est un savoureux mélange entre une rythmique Hip-Hop et une poésie lyrique. Et c'est un auteur qui aime aller à la rencontre de la jeunesse. Il mixe écriture, musique et scène.