J’entre dans l’univers de Mo Malø avec son troisième roman : Nuuk. Il s’agit de la suite des enquêtes de notre personnage principal, Qaanaaq Andriensen. Il n’est pas nécessaire de lire les romans dans l’ordre car les enquêtes sont bien distinctes mais comme toutes les histoires romanesques qui se complètent on apprend évidemment à connaître nos personnages dès le premier roman. Certains lecteurs préféreront donc commencer par le premier opus même si cela n’est pas essentiel à la compréhension de l’œuvre.
Les deux premiers volumes, Qaanaaq et Diskø ont été salués par la critique en remportant le prix Découverte des Mines Noires 2020 et finaliste du prix Michel Lebrun en 2019.
Nous retrouvons donc Qaanaaq Adriensen, un inspecteur ayant subi de nombreux traumatismes dans ses affaires précédentes et ayant dû s’exiler au Danemark pendant un temps. Son retour sur le sol Groenlandais est accepté par ses supérieurs à certaines conditions : être suivi par une psychologue qui l’appellera tous les jours pour suivre l’évolution de sa santé psychologique ainsi qu’abandonner toute envie de faire des enquêtes trop « sanglantes » et ayant trop d’emprise sur l’enquêteur.
Ce dernier accepte plutôt à contrecœur et rentre donc sur sa terre natale. Sa hiérarchie posa une dernière condition à sa réintégration pleine et entière : effectuer un périple où il fera la tournée des neuf postes de police de la côte groenlandaise afin de se « reconnecter au terrain » et la « légitimation de son titre par la base ».
Il nomme dans l’ordre les différentes villes où il se rendra au long du roman : Uummannaq, Niaqornat, Qaanaaq, Tasiilaq, Sisimiut, Aassiaat, Narsaq, Upernavik et Qaqortoq. Dès la première page du roman, l’auteur nous met en garde sur la difficulté que le lecteur peut rencontrer à retenir et à s’habituer aux différents noms groenlandais, c’est pourquoi il met à notre disposition une carte du Groenland et aussi une liste des différents personnages afin de ne pas être désorienté. Une attention particulièrement appréciée pour les lecteurs ayant plus de mal à s’imprégner des noms groenlandais.
Le début du roman est marqué par un événement tragique puisqu’en commençant sa tournée des neuf villes il est appelé pour un suicide à Uummannaq. Rapidement il sera contacté par le responsable du poste de police de Qaanaaq, son village d’origine, pour une cérémonie funéraire du chaman Kunnunguaq. Ce ne sera que le début de son périple.
« La mort décide toujours pour nous. Sans rien nous demander, elle rebat et rebat encore les cartes qui président à nos choix. La mort est un carrefour qui ne nous ouvre qu’un seul chemin. »
L’environnement du roman est très satisfaisant car il mêle traditions, spiritualité, danger du climat et une enquête palpitante. L’auteur nous fait partager le temps de l’enquête la vie de ses personnages et on s’y attache beaucoup ! Qaanaaq est vraiment un personnage intéressant et torturé comme on les aime, et son acolyte Appu (Apputiku Kalakek) est très sympathique. Notre enquêteur aura beaucoup de chance d’être bien entouré et je pense que cela lui sera salvateur à plusieurs reprises. On souhaiterait tous avoir un Appu autour de nous !
Autrement dit, l’auteur réussi parfaitement à nous faire entrer dans ce monde original et inhabituel qu’est le Groenland et ses territoires périlleux et inhospitaliers. Il faut savoir que le taux de suicide du Groenland est le plus élevé au monde. Cela n’est pas forcément dû au climat mais surtout aux conditions dans lesquels les hommes vivent. La modernisation a engendré beaucoup de difficultés d’adaptation, notamment la disparition de nombreux villages et la dislocation de familles entières. Le manque d’emploi et l’alcoolisme en font un territoire hostile pour les jeunes groenlandais. A l’aide de son roman, l’auteur souhaite éveiller quelques consciences sur un pays trop peu connu et dont les problématiques sont dramatiques.
Le roman tire de ces faits réels pour constituer son intrigue et l’inspecteur Qaanaaq sera témoin de nombreuses morts inexpliquées ou de suicides qu’ils trouvent suspects car beaucoup trop rapprochés, mystérieux et qui sont toujours liés à l’étrange visite d’un chaman. De plus, lorsque ce dernier continuera son périple après être passé par Qaanaaq, il va se voir livrer par un jeune homme un colis contenant une main humaine sur laquelle est tatouée un symbole, une rune inuit très ancienne.
Il n’en faudra pas plus pour que notre inspecteur à l’état psychologique instable outrepasse toutes les interdictions de ses supérieurs et entame son enquête.
L’écriture de l’auteur est fluide et entraînante, on se laisse rapidement prendre dans l’enquête et les nombreux noms groenlandais ne m’ont pas dérangé du tout, on s’y habitue très rapidement. L’enquête est rythmée et originale, j’ai passé un très bon moment aux côtés de nos deux collègues et amis. Je pense que je me laisserais rapidement tentée par les deux romans précédents pour retrouver avec plaisir notre enquêteur.
Si vous vous plongez dans Nuuk vous serez ravis par le dépaysement que le roman vous procure et par l’agréable et palpitant voyage que vous entamerez aux côtés d’un auteur de qualité.
Pauline Julou
Nuuk - Mo Malø – Ed. de la Martinière – 05/2020 – 416 pages
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