Présenté lors de l'émission La Grande Librairie de Francois Busnel, « Le Premier Exil » est ma première lecture d’un livre de Santiago H. Amigorena, réalisateur, scénariste, producteur et écrivain argentin né à Buenos Aires et vivant en France. Né de parents psychanalystes, il passe son enfance en Argentine, puis émigre en Uruguay à l’âge de 6 ans. En 1973, sa famille s'exile à Paris où il vit depuis.
« Le Premier Exil » raconte cet exil en Uruguay. C’est aussi la fin d’un cycle littéraire autobiographique : « J'écris pour ne plus écrire. J'écris ce dernier texte, autobiographie et œuvres complètes, confession et fiction, vérité et mensonge, prose et poésie, pour tout écrire et ne plus écrire. » ( p 88 )
Santiago H.A. a six ans et c'est la douce compagnie de son chien Céleste qui lui a permis de ne point trop souffrir de ce premier exil d'Argentine en Uruguay, tout comme ce sera la présence auprès de lui de son frère aîné qui lui permettra, six ans plus tard, de survivre à la douleur amère de l'exil d'Uruguay en France à l'arrivée de la dictature militaire.
Dans le livre, l’auteur raconte comment il a vécu cette fin des années 1960 et début des années 1970, six années de sa petite enfance. Il raconte les origines de son silence, son mutisme, le rapprochement instinctif avec son frère.
Il explique comment les souvenirs se sédimentent dans la mémoire d'un individu, comment les premières blessures sont administrées par l'existence : « Puis, pendant la jeunesse, nous commençons de vivre avec le monde et le monde commence de vivre avec ou contre nous. Parmi les nombreuses blessures qu'il peut infliger à chacun, il m'avait réservé l'exil. »
Son interrogation sur la mémoire, sur le silence et la parole, confronte à la fois ses souvenirs d'enfance et ses réflexions philosophiques d'adulte, rendant parfois la compréhension complexe.
Si la plume et le verbe sont assurément agréables et que cette tranche de l'histoire de l'Amérique latine, cruelle par les exactions et la torture auxquelles s'adonnent les militaires, nécessitait d'être rappelée, je n'y ai pas trouvé ce que j'aime dans mes lectures : une fluidité d’écriture ( et donc de lecture ! ) qui met en valeur les situations, les évènements, le récit et où l’auteur s’efface.
Ce n’est assurément pas le cas avec le Premier exil ! Le livre en effet déroute toutefois par sa grandiloquence excentrique. L’auteur qui se présente comme un "auguste crapaud graphomane", ponctue son récit de ses propres vers. Dommage aussi que ces souvenirs soient entrecoupés de digressions plus convenues sur les pouvoirs de l'écriture ou le capitalisme.
Ce livre aurait mérité un style beaucoup plus épuré car, si sur le fond il est intéressant (problématique d’une famille, de l’enfance, des dictatures se développant en Amérique du Sud) son style nombriliste à souhait peut vite hérisser le lecteur.
Santiago H. Amigorena se livre avec cet ouvrage à une analyse de l’analyse qu’il a pratiqué dans toute sa première jeunesse, dès l’âge de 6 ans. Il faut dire qu’avec deux parents psychanalystes, la voie était toute tracée.
Alors si le coté freudien du récit ne vous dérange pas, si l’autosatisfaction que se décerne l’auteur tout au long de l’écrit n’est pas un repoussoir pour vous, le fond du livre reste intéressant.
Sinon, passez à coté !
Pour une fois, je ne vous écris pas la formule consacrée !
Pascal François
Le Premier Exil – Santiago H. Amigorena – POL – 08/2021 – 336 pages
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