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Eugénie Ducher, un jeune plume prometteuse - interviewée par Françoise Fesneau


Bonjour Eugénie Ducher. Quelques mots pour vous présenter : vous êtes d’origine talençaise et vous vivez dans la région bordelaise. Après avoir obtenu votre master en communication, vous êtes devenue formatrice en management et communication.


Vous êtes également auteure et vous avez écrit des articles de presse, des reportages, vous participez à des concours de nouvelles, bref, vous vivez une véritable passion.



FF. : Dites-nous, depuis quand écrivez-vous ? Vous avez publié deux livres en quelques mois. Qu’est-ce qui a déclenché ces deux romans si rapprochés ?


ED : Bonjour et merci de me donner la parole sur votre Blog "Au Plaisir de Lire". J’écris depuis…que je sais lire.

Blagues à part, c’est un peu vrai puisque j’ai lu mon premier roman à l’âge de huit ans et quelques années plus tard j’ai adoré faire des rédactions au collège, mes dissertations au lycée, ainsi que mes mémoires universitaires…


Ne vous méprenez pas, je n’ai jamais été une brillante élève ou encore moins une intellectuelle, mais écrire n’a jamais été synonyme de contrainte à mes yeux.

Certains savent jouer d’un instrument, d’autres chantent, moi j’ai toujours aimé écrire. C’est un besoin vital qui est naturellement devenu un défouloir émotionnel.

Ainsi à vingt et un an je suis devenue rédactrice. J’ai ensuite entamé des concours de nouvelles et il y a trois ans j’ai démarré l’écriture de mon premier roman.


Concernant mes deux romans et leurs dates de sorties rapprochées, ce n’est pas aussi simple que cela.

En effet, la chronologie des dates de parution et l’écriture de ses deux romans ne sont pas similaires.

J’ai commencé à écrire « Neuf mois d’Enfer » il y a trois ans et je l’ai terminé il y a un an et demi.


En revanche, trouver une maison d’édition de confiance n’a pas été chose facile et encore moins rapide.

De ce fait, j’avais déjà démarré l’écriture de mon second roman « Dans tes rêves » tandis que le premier était terminé mais toujours pas publié.


Voilà pourquoi quelques mois séparent officiellement leur date de sortie, mais ce sont des œuvres écrites à distance l’une de l’autre qui se compte en année en réalité.




FF : Les sujets sont différents et cependant on y retrouve des points communs : choix de vie, connaissance de l’autre, la psychologie des personnages. Votre formation semble avoir un fort impact sur vos écrits…


ED : Je pense surtout que ma personnalité a orienté mes choix d’études et professionnels ; et que de ce fait, on les retrouve dans ma façon d’écrire et d’appréhender mes personnages. Que ce soit dans ma vie personnelle, au travail ou dans ma façon d’écrire : j’aime les gens ; mais pas dans le sens moral et commun habituellement utilisés.


Je suis même plutôt solitaire, un peu « dans mon monde » et malheureusement, je le confesse, je suis très critique envers la société. Mais sincèrement j’aime écouter les autres, les découvrir, entendre leurs vies, leurs passions, leurs failles… Je crois que tout ce qui rend l’autre complexe, humain, vulnérable et imparfait me passionne. Étrange non ?



FF : Une femme est l’héroïne de votre premier roman. Dans le second, une femme rêve… Ce sont les femmes qui vous inspirent le plus ? Pourquoi avoir écrit ce second roman à la première personne ? Qu’y a t’il de vous dans vos écrits ? Par exemple, vous avez un jeune enfant et vous avez écrit « Neuf mois d’enfer »…


ED : C’est vrai, j’écris et je décris des femmes dans mon univers littéraire. Je crois bien que mes lectures sont aussi la plupart du temps « féminines ». Écrites par des femmes, écrites pour les femmes, traitent de sujets féminins…


Peut-être qu’ayant évolué professionnellement dans des environnements très masculins, je ressens le besoin de me rapprocher de ma propre féminité à travers l’art : la musique, la danse et plus particulièrement l’écriture. C’est par ces aspects que je me suis construite en tant que femme et c’est sans doute ainsi que je veux communiquer ma féminité et ma vision des choses sur le quotidien des femmes d’aujourd’hui.


Puis il est vrai que je suis maman. J’ai trois filles, deux adolescentes et un bébé. Je me positionne sans doute inconsciemment comme une figure maternelle.


Justement, une association belge m’a contactée en lisant le synopsis de mon premier roman « Neuf mois d’Enfer ». Ils ont été étonnés de voir une auteure se positionner au sujet de la grossesse avec cynisme et transparence, sans tout ce côté « tout beau, tout rose et naturel » de la maternité. Depuis j’interviens à leurs côtés dans des webinaires qui traite du post partum et qui a pour vocation de libérer la parole des femmes.


Par contre, je dois souvent rappeler que mon roman « Neuf mois d’Enfer » n’est pas autobiographique même s’il est inspiré de mes expériences personnelles c’est certain. Je reste convaincue que tabou ou pas, plaisante ou non, la vérité, celle que l’on vit et que l’on ressent, doit être véhiculée, sinon nos sociétés n’évolueront jamais.


C’est peut-être pour cette même raison que j’utilise la première personne du singulier. « Je » est plus intime et puissant, il entraîne forcément dans le ton de la confidence.


Néanmoins, je travaille actuellement mon prochain roman et le personnage principal est un homme.


FF : Peut-on vous demander quel sera le sujet de votre prochain livre ?


ED : Je n’aime pas vendre la charrue avant les bœufs et trop me prononcer sur l’avenir mais je vais sans doute rester sur un sujet ésotérique et mystérieux. Bien que je sois une femme scientifique et logique, j’éprouve une attirance indescriptible et très forte pour l’occulte et le paranormal.

Et comme je suis également très superstitieuse, je ne vous en dévoilerai pas plus pour ne pas me porter malheur.


FF : Quel est votre processus d’écriture ? Vous êtes une auteure organisée, vous savez où vous allez lorsque vous commencer à écrire ? Où bien vous suivez votre inspiration ?


Comme le pensent certains, je crois qu’il y a quelque chose de mystique dans l’écriture. C’est peut-être aussi ce que l’on appelle le flow artistique, mais mon seul processus, c’est l’instinct.

Je me lève parfois le matin avec une idée en tête, je me mets devant mon ordinateur et j’écris pendant des heures sans voir le temps passer, comme si j’étais en transe.

Cet instinct se transforme alors en mots qui ensuite deviendront des phrases et qui aboutiront vers une histoire.

Je dis souvent à mes étudiants « Si vous voulez savoir écrire, commencer par lire ». C’est technique mais cela facilite l’exercice d’écriture. À l’instar d’une langue étrangère, l’écriture doit se pratiquer si on veut la maitriser.

Écrire des histoires, les inventer, c’est différent.

Soit, vous avez quelque chose à raconter comme c’est le cas pour un journaliste ou un doctorant.

Soit, vous êtes pris d’une fièvre qui vous pousse à taper une histoire sans trop comprendre pourquoi ni comment et encore moins ce qu’elle va devenir.


Après j’avoue que passé cette phase quasi surnaturelle et une fois le manuscrit placé dans les mains de l’éditeur, il faut redevenir un « simple professionnel » de la langue française : cohérence, syntaxe, orthographe… C’est scolaire mais indispensable.


FF : Avez-vous un endroit de prédilection pour écrire ? Besoin de calme, de mouvement ? Vous auriez une photo de l’endroit où vous vous installez ?


Je peux écrire partout. Le seul élément indispensable étant l’inspiration.

Que ce soit à mon bureau, le soir dans mon lit, dans un salon entre deux dédicaces, une salle d’attente… Le lieu a peu d’importance. Il est surtout plus ou moins adapté et pratique.

Néanmoins, mon mari tente sans doute de me canaliser car il m’a acheté un petit bureau rien que pour moi pendant le confinement. Bon, c’est peut-être aussi stratégique de sa part car je donnais cours en face de lui pendant qu’il animait des réunions de travail, mais il paraît que, je le cite, je « rigole souvent et très fort » et que cela le perturbe. Je vous laisse la photo de mon beau bureau ci-dessous :



FF : Selon vous, quelle est la meilleure méthode pour promouvoir un livre ? Quels conseils pouvez-vous donner à une personne qui souhaite écrire ?


ED : Cette question est complexe. Le paradoxe est d’être vu et entendu alors que vous n’êtes pas encore connu.

Surtout que le contexte actuel n’a pas aidé comme pour beaucoup de professions artistiques et commerciales.

De plus, ma maison d’édition étant jeune, elle ne dispose pas encore d’un service presse ou commercial.

Alors pour le moment, bien que réservée sur mes activités d’écrivain et timide en terme de mise en avant, je prends sur moi et je me débrouille seule pour me faire connaître.

J’applique ce que j’apprends à mes étudiants en communication et plus particulièrement en stratégie digitale : Communiquer partout et tout le temps.

Je me suis inscrite à plusieurs salons littéraires (beaucoup ont été annulés), je fais parfois des dédicaces dans des magasins girondins, et je contacte aussi la presse. C’est ainsi que j’ai eu un très bel article en novembre dernier dans le journal Sud-Ouest.

En parallèle, chaque jour je travaille la promotion de mes ouvrages via les réseaux sociaux. Je poste des infos, photos, évènements et je fais ainsi vivre ma petite communauté de fans tout juste naissante.

Au final, j’adore ça, chronophage ou non, je ne peux plus me passer de cet aspect du métier.


Si je devais conseiller quelqu’un qui souhaite écrire, je ne dirais qu’une seule chose : Vas-y ! Si tu aimes ça, tu n’as strictement rien à perdre.


FF: Au plaisir de lire à aussi son Questionnaire de Proust littéraire. Voulez-vous vous prêter au jeu de nos cinq questions ?


ED : Bien sûr !


FF : Quel est votre livre préféré ?


ED : J’en ai tellement… Mais si je devais vraiment en choisir un et un seul que j’emporterais toujours sur moi, ce serait Moderato Cantabile de Marguerite Duras. J’étais en seconde quand je l’ai lu pour la première fois. Il m’a bouleversé. Pourtant, je n’avais que quatorze ans et très peu de chance de m’identifier à l’héroïne et à son histoire. Cette mère qui s’ennuie et s’enivre avec un inconnu… Quand on y regarde de plus près, il n’y a pas d’action dans ce récit mais Duras a un talent artistique incroyable pour rendre la description et l’introspection esthétiques et puissantes. Elle sait décrire les atmosphères et les ressentis des personnages comme personne. C’est beau, c’est fort. J’adore.


FF : Quel livre regrettez-vous de ne pas avoir lu ?


ED : Tous ceux qui sont dans mes cartons de déménagement. J’en ai tellement que cela en devient honteux. Alors je me suis décidée : Cet été, tous les livres que j’ai encore en ma possession et que je n’aurais pas lus iront dans une boite à livres. Il est désolant que tout ce savoir ne finisse pas dans les mains de quelqu’un. Je ne veux plus faire partie des gens qui préfèrent posséder des biens plutôt que d’en profiter. Vivre dans l’opulence c’est un outrage à ceux qui n’ont rien et quand je collectionne des livres que je ne lis pas, c’est exactement ce que je fais.


FF : Quel est votre auteur préféré ?


ED: Je peux vous en donner deux ou c’est de la triche ? Je tente. Si on veut être sûr que je vais lire du début à la fin un auteur, il y en a deux qui ne me déçoivent jamais : Lucia Etxebarria et Harlan Coben.


D’un côté vous avez cette auteure espagnole qui décortique de manière frontale et à la perfection les jeux amoureux ; et de l’autre, un maître du polar qui use de stratagèmes efficaces pour nous faire vivre un suspens incroyable.


Et quitte à tricher, je vais placer un style encore plus différent : Kiraz. Je ne me lasserai jamais de ses parisiennes. Il m’a dédicacé un exemplaire de « Jamais le premier soir ». Cet ouvrage est collector mais c’est la dédicace et le croquis qu’il m’a fait qui ont le plus de valeur à mes yeux.


FF: Quel livre conseillez-vous de lire en ce moment ?


ED : De mères en filles, de Maria José Silveira (ed. Denoël). Une histoire en plusieurs parties qui relate l’existence de plusieurs femmes issues d’une même lignée.

Ainsi, des années 1500 à nos jours, le lecteur découvre les destins de ces femmes très différentes en termes de caractère, de contexte et d’époque.


En plus d’être très féminin, ce livre écrit par une auteure brésilienne m’a permis de comprendre une partie de mon histoire personnelle puisqu’elle parle d’évènements historiques réels qui se sont déroulés au Brésil, mais aussi au Portugal, en Espagne et en France. Lire la culture induite par ses origines diverses m’a fait mieux comprendre mes propres fonctionnements. Mon père est Portugais, ma mère Française. Ma grand-mère maternelle qui a joué un grand rôle dans ma vie était franco-espagnole. J’ai donc reçu une éducation mixte, une culture hybride et un héritage très riche.


FF : Si votre prochain livre devait être le dernier, quel thème voudriez-vous évoquer ?


ED : La mort sans doute. Je ne me sens pas d’en parler pour le moment car elle m’a beaucoup affectée et questionnée dernièrement. Je ne suis pas assez mature sur le sujet.


J’ai perdu ma mère brutalement il y a presque un an. L’évènement était soudain et j’aimerais d’abord comprendre ce que je ressens pour réussir à le verbaliser et peut-être, allez savoir, le partager dans mes écrits.



Merci Eugénie pour ce moment partagé avec vous. J'ai été ravie de pouvoir vous faire découvrir un peu plus à nos lecteurs. Le Blog "au plaisir de lire" vous souhaite un beau succès pour "Dans tes rêves" paru le 15 Avril dernier aux éditions Douro. ET nos attendons le prochain avec impatience !


compte tenu du contexte sanitaire interview réalisé par échanges de mails début Mai 2021





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