J’ai redécouvert, ce livre il y a quelques semaines un peu par hasard, au fond de ma bibliothèque en la rangeant. Un livre qui était dans ma PAL, mais sans doute tombé un peu trop bas… Je n’avais jamais pris le temps de le lire…
Et cela a été un vrai plaisir, et surtout un beau dépaysement que de lire « Ce Pays qui te ressemble » de Tobie Nathan paru aux éditions Stock.
L’auteur franco-égyptien, psychologue reconnu, nous parle de l’Égypte de son enfance, un pays pluriel où se côtoyaient arabes, juifs, coptes et Égyptiens, apatrides et étrangers, riches et pauvres. Tout le monde vivait sereinement quel que soit sa religion, sa nationalité.
Tobie Nathan nous emmène au travers d'un voyage mémoriel dans une Égypte qui vient tout juste de devenir indépendante où l’on croise le roi Farouk, jusqu’à la crise de Juillet 1952 qui verra tomber la monarchie.
Le Caire… 1925 : Esther se marie avec Motty, son cousin, plus âgé qu’elle. Ce n’est pas un mariage d’amour. En ce temps-là, et dans ces communautés là, on se marie tels que les parents le souhaitent. Mais cela n’a pas d’importance, à « Haret el Yahoud » - la ruelle des juifs - , dans le ghetto juif du Caire on se marie ainsi, c’est la tradition. Esther est un peu "habitée", elle ne semble pas complètement propriétaire de son corps, ni même de sa voix. Et Motty est aveugle.
Leur fils Zohar a eu beaucoup de peine à venir au monde, sa mère n’arrivant pas à enfanter de façon classique. Zohar, le petit juif, sera nourri au sein arabe de la mère de la petite Masreya qui vient de naître également. Il n'en faut pas plus pour que les deux communautés implorent le rabbin d'unir le destin des deux enfants, en fabriquant une amulette porte bonheur qui n'agira que tant que les deux enfants sont ensemble. Deux frères/sœurs de lait dont les sorts sont désormais unis à jamais.
Tel est le point de départ de ce conte mêlant habilement récit, vieilles superstitions du ghetto, magie arabe, prières miraculeuses, mais aussi faits historiques de la seconde guerre mondiale, et coulisses du palais du roi d'Égypte.
Dans ce pays en mutation, de débrouille en combine, le jeune Zohar va finalement créer une entreprise florissante avec Joe et Nino, ses deux amis d'enfance, ceux de la ruelle aux juifs. Un jour son chemin croise celui de sa sœur de lait, belle comme le jour, artiste à la voix magique, la seule, l'unique qui ne pourra jamais être sienne, mais ils tombent follement amoureux.
Quel amour improbable vont-ils pouvoir vivre ? Quel sera leur destin dans cette Égypte en pleine ébullition, transformation, au cœur de la seconde guerre mondiale, où l’Afrika Korps de Rommel n’est pas si loin, où les anglais tentent de revenir ? Un pays où les frères musulmans, l’islamisme commencent à se faire une place, n’en laissant plus à l’une des communautés. Nous sommes là au cœur de l’intrigue et du questionnement du roman…
« Ce pays qui te ressemble », c’est l’éternel renvoi à la capacité des hommes de vivre ensemble malgré leurs différences, à la folie des hommes de préférer des murs à des ponts.
Ce livre est aussi un livre d’odeurs, de visions, de souvenirs. C’est un livre immersif. On voit les rues du Caire, en découvrant le mot Misr (Égypte) sur toutes les façades, en déambulant à pied dans les méandres des rues tortueuses. On sent l’odeur du thé au café Feshawy. On imagine les villas de l'ile de Roda, le palais Abdine, le lever du soleil. On a le goût des pâtisseries toutes en sucre et en douceur, l'odeur sucrée des fumées des chichas aux terrasses le soir…
Le livre est d’une richesse et d’une profondeur impressionnante. On vole de citations du Cantique des Cantiques, aux textes sacrés musulmans et juifs, de traductions de mots arabes ou hébreux laissant apparaître toute la poésie et le contenu ésotérique de ces langues. Il fourmille de connaissances historiques, de textes analysés arabes et juifs, cherchant peut-être à en extraire une unité, cette fameuse unité, par-delà les dieux.
Il y a des livres qui émerveillent, celui-ci en est un ! Laissez-vous embarquer dans cet orient d’hier et d’avant-hier où les hommes savaient encore vivre ensemble !
Bonne Lecture !
Pascal François
Ce pays qui te ressemble – Tobie Nathan – Éditions Stock – 08/2015 – 540 pages
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